Le cadastre napoléonien de la commune, qui date de 1809 et dont le plan parcellaire se compose de neuf planches peintes à l’aquarelle, donne pour sa part une idée précise de ce qu’était le Grand Bois il y a un peu plus de deux siècles : un vaste domaine ceint de bois en limite de Saint-Gengoux-de-Scissé et de Bissy-la-Mâconnaise, mêlant terres cultivées, vignes, prés et bois, et s’organisant autour de quatre longs bâtiments (35 à 40 m) alignés nord-sud servant au logement des habitants du lieu – d’où l’existence de potagers et de vergers jouxtant ces constructions – mais utilisés aussi pour abriter le bétail et conserver les récoltes. Le Grand Bois était alors entre les mains du plus important propriétaire foncier de Lugny, François-Marie Guillon, avocat et juge de paix à Lyon, qui possédait ce qu’il restait du château incendié en 1789 et qui avait acquis les biens du dernier seigneur de Lugny, incarcéré à la prison du Luxembourg (Paris) et mis à mort le 19 messidor an II (7 juillet 1794). On y accédait en gravissant un chemin abrupt qui partait du bourg et coupait à travers les bois pour parvenir aux habitations. En 1825, le « domaine situé audit Lugny appelé les quatre granges du Grand Bois » était la propriété d’un autre Lyonnais, Jacques Alexis Saint-Martin, « propriétaire rue Royale n° 8 », qui le faisait « régir et administrer ».
Un demi-siècle plus tard, ce sont une vingtaine de personnes qui habitent les lieux : vingt-quatre au recensement de population de 1881. À cette époque, une bonne partie du domaine est couverte de vignes, vignes que la crise du phylloxera, qui frappe la commune de 1880 à 1887, obligera à arracher (500 hectares détruits à Lugny). Il ne s’agit toutefois là que d’une parenthèse et, au début du XXe siècle, le Grand Bois, domaine que son exposition idéale voue à la viticulture autant qu’à l’agriculture et à l’élevage, est de nouveau partiellement planté en vignes. Il appartient alors à Claude-Antoine Blanc, riche propriétaire de Lugny, et, chaque année, la vendange est descendue au bourg, où la famille Blanc a non seulement sa demeure (rue de la Folie) mais aussi son tinailler, long bâtiment utilisé pour presser les grappes et mettre en fûts. À la veille de la guerre, le Grand Bois, domaine prospère, atteint le maximum de sa population : trente personnes y sont comptabilisées lors du recensement de 1911.
Passée la Seconde Guerre mondiale, le Grand Bois appartient à Marcelle Blanc, qui en a hérité de son père mort en 1936. Le domaine consiste alors en une vaste propriété de quatre-vingt-dix hectares environ comprenant, outre une trentaine d’hectares de bois, deux exploitations distinctes baillées à des fermiers, l’une de quarante-deux hectares et l’autre de seize (englobant chacune deux des quatre bâtiments).
A-t-on gardé le souvenir du Grand Bois de l’après-guerre ? Oui, et plus particulièrement de la plus importante de ses deux exploitations. Les Grimieau-Papillon, dans le cadre de ce que certains qualifièrent alors de « ferme modèle », s’y consacrèrent en effet à l’élevage. Ils y élevèrent non seulement des cochons – de beaux verrats – mais s’y adonnèrent également à l’aviculture, des préfabriqués ayant même été spécialement assemblés à cet effet. Le Grand Bois disposait à cette époque de silos en béton destinés à l’ensilage, technique moderne qui était alors loin d’être généralisée dans l’agriculture française. « Un essai (et une réussite) d’élevage en plein air se situe au [...] Grand Bois. C’est le domaine de MM. Grimieau et Papillon dont les poussins et porcelets sont admirés dans toutes les expositions. » rapporte un article paru dans la presse locale le 16 janvier 1951. Avant-gardiste, le Grand Bois ? Sans doute, lui qui disposait déjà du téléphone à cette époque et où, depuis vingt ans déjà, l’eau n’était plus tirée du puits mais « remontée » jusqu’aux habitations à l’aide d’une pompe, en provenance de la source coulant en contrebas du domaine (le Grand Bois étant trop à l’écart pour être desservi par le réseau d’adduction desservant les maisons du bourg). Cette belle aventure s’arrêta toutefois au milieu des années cinquante.