Ailleurs en Mâconnais...

Un édifice protégé au titre des Monuments historiques depuis 1844 : l’abbatiale Saint-Philibert de Tournus, dont certaines parties sont antérieures à l’an mil. Ici : les tours de la façade et la nef, vues du cloître Saint-Ardain.



Toutefois, si Lugny est idéalement situé au cœur du Haut-Mâconnais, Lugny côtoie également deux autres petites régions particulièrement attachantes : le Tournugeois et le Clunisois. Sans parler du Mâconnais à proprement parler…

En quittant Lugny par le nord, on parvient à Tournus, petite ville qui, en 1815, reçut la croix de la Légion d’honneur de l’Empereur pour avoir vaillamment résisté aux Autrichiens un an plus tôt. L’ancienne cité abbatiale, patrie du peintre et portraitiste Jean-Baptiste Greuze – qui y est né en 1725 – et du critique littéraire Albert Thibaudet (1856-1949), tire la plus grande partie de sa notoriété de ses restaurants étoilés – pas moins de quatre établissements ! – et de sa célèbre abbaye, fondée par les moines bénédictins de Saint-Philibert-de-Grand-Lieu qui, fuyant les Vikings, s’y installèrent en l’an 875 après des années d’errance et y transportèrent les reliques de saint Philibert, fondateur de Jumièges, mort à Noirmoutier en 685. Joyau du premier art roman, l’abbatiale, dont les parties les plus anciennes sont antérieures à l’an mil, abrite entre autres Notre-Dame-la-Brune, authentique Vierge romane en bois de cèdre du XIIe siècle ; elle se caractérise notamment par son narthex à double niveau, sa nef en berceaux transversaux – solution architecturale unique en France – dotée d’un orgue du XVIIe siècle, son clocher rose (la couleur de la pierre de Préty) du XIIe siècle et sa crypte abritant le sarcophage dans lequel reposa le corps de saint Valérien, martyr, décapité à Tournus en 178.

Un impressionnant donjon : celui du château de Brancion, qui culmine à 399 mètres et fut bâti à l’époque des croisades par les sires du même nom



Plus à l’ouest, on rencontre Ozenay, petit village qui a conservé l’une de ces authentiques églises romanes couvertes de laves – ici avec porche – qui font la renommée du Mâconnais ; à deux pas d’un manoir aux toits couverts de laves se trouve la maison que le pionnier de l’aviation Gabriel Voisin habita jusqu’à sa mort, survenue dans les derniers jours de 1973. Puis c’est Brancion, nom rendu célèbre par son château-fort qui, quoiqu’en partie ruiné par les guerres de religion – il fut prit en 1594 –, a heureusement conservé son donjon offrant une vue dégagée sur le Clunisois ; le bourg, autrefois ceint de murailles, a en partie conservé l’aspect qui était le sien au Moyen Age et, outre d’anciennes halles seigneuriales en bois du XVe, on y visite l’église Saint-Pierre, édifice du XIIe qui a conservé des fresques du début du XIVe siècle et qui veille jalousement sur le gisant de Josserand III de Brancion, seigneur du lieu, compagnon de Louis IX mort en Égypte lors de la septième croisade aux côtés du futur saint Louis, à la bataille de Mansourah (1250). Non loin se trouve Blanot, joli village où, autour de l’église romane du XIe couverte de laves et du prieuré clunisien du XIVe, le temps semble s’être arrêté, petite localité réputée pour ses grottes (découvertes en 1739) et le site du mont Saint-Romain (579 mètres) d’où, à l’aide d’une table d’orientation, il est aisé de « lire » le panorama s’offrant à soi à 360 degrés : le Mâconnais (et, par-delà, le Beaujolais), le Clunisois (et, plus loin, le Charolais) et la Bresse, sur fond de monts du Jura.


L’édifice emblématique de la communauté de Taizé est son église, dite « de la Réconciliation », dont les plans furent dessinés par l’un de ses membres, frère Denis, architecte, et qui fut inaugurée en 1962.



A quelques kilomètres seulement, c’est Taizé, nom d’un foyer spirituel qui, depuis sa fondation en 1944 par le pasteur suisse Roger Schutz, résonne haut et fort dans la Chrétienté. La « communauté œcuménique de Taizé », dont la règle, a été rédigée en 1949, est une communauté monastique qui, animée par de nombreux « frères » issus des diverses Églises chrétiennes (protestants, catholiques, anglicans…), fut visitée par le pape Jean-Paul II, en visite apostolique, le 5 octobre 1986 et attire chaque année depuis 1974 – année de l’ouverture du « concile des jeunes de Taizé » en présence de 40 000 participants – des milliers de jeunes qui s’y rendent lors de sessions annuelles pour prier et méditer.

Le château de Cormatin, vu depuis les parterres fleuris de son jardin recréé au début des années 1990.



Prenant la direction de Cluny, après s’être arrêté à Chapaize pour y admirer son église (et son surprenant « clocher-vigie » haut de 34 mètres) ou ce qu’il reste de l’ancien couvent de chanoinesses de Lancharre, on parvient à Cormatin, bourgade des plus touristiques où se trouve l’une des demeures les plus réputées – et les plus visitées – de Bourgogne : celle qu’Antoine du Blé, marquis d’Uxelles et seigneur du lieu, gouverneur de Chalon, maréchal de France, se fit construire par l’architecte Jacques II Androuet du Cerceau de 1605 à 1616. Sauvé de la ruine par son rachat en 1981, le château, qui possède le plus vieil escalier à cage vide de France, a conservé plusieurs salles décorées d’ors, de peintures et de sculptures constituant les plus fastueux appartements qui nous soient parvenus de l’époque Louis XIII ; un parc d’une douzaine d’hectares avec parterres fleuris, grand labyrinthe, volière et potager à l’ancienne agrémente cette riche demeure qui, à la fin du XIXe siècle, fut acheté par le directeur de l’opéra de Monte-Carlo, Raoul Gunzbourg – l’ « inventeur » de Caruso –, qui y reçut toutes les célébrités de son temps : la comédienne Cécile Sorel, le chanteur Feodor Chaliapin, Sergei Diaghilev, les compositeurs Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré et Jules Massenet, la soprano Nellie Melba…

De l’immense abbatiale de Cluny, il ne reste que le bras sud du grand transept (et son clocher de l’Eau bénite) et celui du petit transept (chapelle Jean de Bourbon), soit à peine le dixième de l’édifice d’origine.



Puis c’est Cluny, jadis chef d’ordre d’un empire monastique qui compta jusqu’à 1 200 monastères et prieurés et plus de dix mille moines (dont 400 à Cluny même), et ce qu’il reste de sa célèbre abbaye fondée en 910 (ou 909) par le duc Guillaume d’Aquitaine, notamment de son abbatiale Saint-Pierre et Saint-Paul – la maior ecclesia construite de 1088 à 1130 – qui, disposant de cinq nefs, de deux transepts, de sept tours et de quinze absidioles réparties autour d’une monumentale abside à déambulatoire, fut presque totalement démantelée entre 1798 et 1825. Connu sous le nom de Cluny III, cette construction constitua le plus gigantesque des édifices cultuels de toute la chrétienté jusqu’à l’édification au XVIe siècle de Saint-Pierre de Rome (186 mètres), avec une longueur de 177 mètres et 30 mètres de hauteur sous voûte. Si un certain nombre de bâtiments subsistants du monastère sont occupés depuis 1901 par l’École nationale supérieure d’arts et métiers, une partie de l’emprise de l’ancienne abbaye l’est par le haras national de Cluny, bâti sur les restes nivelés de l’ancienne abbatiale et œuvrant depuis 1807 – année de la création par Napoléon Ier du « dépôt d’étalons de Cluny » – au service de l’élevage du cheval (par la saillie, chaque année, de centaines de juments) et du sport équestre. La cité, qu’arrose la Grosne, est une halte appréciée sur la Voie verte, itinéraire sécurisé et non motorisé inauguré en 1997 pour être mis à la disposition des marcheurs et des cyclistes adeptes de la « balade douce » entre Charnay-lès-Mâcon et Saint-Rémy (Chalon-sur-Saône) sur le tracé d’anciennes voies de chemin de fer.

A la mémoire de leur illustre concitoyen, les Mâconnais, par souscription, ont élevé une statue, commandée au sculpteur Alexandre Falguière et inaugurée en 1878, à deux pas de leur hôtel de ville.



Prenant la direction de Mâcon, on traverse ce qui est devenu le « val lamartinien », petite région qui fut particulièrement chère à l’homme de lettres – et chef du gouvernement provisoire de 1848 puis ministre des Affaires étrangères de la IIe République – Alphonse de Lamartine. Né à Mâcon en 1790, le célèbre écrivain, élu à l’Académie française en 1830, passa son enfance à Milly (Milly-Lamartine depuis 1906), dans une « maison cossue sans plus » construite par son arrière-grand-père en 1705 que l’auteur de Jocelyn, du Voyage en Orient et de l’Histoire des Girondins, criblé de dettes, dut malheureusement vendre en 1860 ; c’est toutefois au château de Saint-Point, qu’il remania profondément dans le style Troubadour, que l’illustre Mâconnais – qui habita aussi le château de Monceau (Prissé) – installa sa résidence, demeure où l’on visite notamment son cabinet de travail – qu’il fit capitonner pour se préserver du bruit – et où le poète romantique a son tombeau. « J’ai vécu pour la foule et je veux dormir seul. » avait écrit le candidat malheureux de 1848.

Un célèbre « profil » : celui de la roche de Solutré (493 mètres).



Non loin de là, perché pour mieux surveiller le passage conduisant du Mâconnais au Clunisois, se dresse la masse de la plus imposante des forteresses de Bourgogne-du-Sud : celle du château de Berzé-le-Châtel, citadelle autrefois redoutée qui, forte de cinq tours, nous est parvenue presque intacte du Moyen Age, tout comme le château voisin de Pierreclos dont les parties les plus anciennes remontent au XIe siècle et qui possède l’un des escaliers à vis les plus larges de France. Tout près, à Berzé-la-Ville cette fois, se découvrent les merveilleuses peintures murales d’inspiration byzantine de la Chapelle aux Moines, bâtie au début du XIe siècle par Hugues de Semur, abbé de Cluny (et futur saint Hugues), dans l’un des prieurés relevant de son ordre ; mise à jour en 1887, la fresque de la voûte en cul-de-four de l’abside, qui permet de se représenter celles, disparues, qui ornaient l’intérieur de l’abbatiale de Cluny, montre au centre d’une mandorle un Christ en gloire haut de 4 mètres entouré de plusieurs personnages. C’est là, aussi, le secteur de l’un des plus célèbres escarpements calcaires de France : la roche de Solutré, site archéologique majeur découvert en 1866 – que fouillèrent entre autres les Mâconnais Adrien Arcelin et Henri de Ferry puis l’abbé Breuil – qui a donné son nom à l’une des dernières phases du Paléolithique supérieur – le Solutréen, allant de 22 000 à 17 000 ans avant notre ère – et que rendirent célèbre, outre les amoncellements d’ossements de dizaines de milliers de chevaux qui y furent retrouvés sur 0,5 à 2 mètres, les ascensions que le président François Mitterrand, à partir de 1946, y effectua chaque dimanche de la Pentecôte, accompagné des plus fidèles de ses fidèles.

Le pont de Saint-Laurent à Mâcon : une passerelle entre le Mâconnais et la Bresse depuis près de mille ans !



On parvient alors à Mâcon, joli cité fluviale voisine de la Bresse – elle fut ville frontière jusqu’en 1601 – qui ne manque pas d’atouts et où le promeneur peut admirer le célèbre pont – jadis fortifié – de Saint-Laurent dont les parties les plus anciennes remontent au XIe siècle (reconstruit à plusieurs reprises, il fut adapté pour la dernière fois en 1843, pour la navigation à vapeur), le Vieux Saint-Vincent (qui est tout ce qu’il reste de l’ancienne cathédrale romane placée sous le vocable du saint patron des vignerons, démolie à partir de 1799), le bel hôtel de ville installé à la Révolution dans l’hôtel particulier du dernier comte de Montrevel et, place aux Herbes, la pittoresque Maison de Bois ornée au premier étage de personnages grotesques et d’animaux fantastiques (vers 1500). Appréciée pour ses quais où il fait bon flâner – et où se dresse une statue de l’écrivain-poète érigée en 1878 grâce à une souscription nationale –, la capitale du Mâconnais, devenue préfecture du département à la Révolution, l’est aussi pour ses célèbres vins, mis en compétition – avec beaucoup d’autres – chaque année, au printemps, lors de la foire nationale des vins au cours de laquelle est organisée une compétition particulièrement attendue des vignerons : le fameux concours des Grands Vins de France.



Page mise à jour pour la dernière fois le : 07.05.2021